45 - Avec la tête

Puisqu’il s’agit d’immersion et non de résidence, je tente d’établir des connexions.
Connexions toujours improbables.
Le carburant de cette exercice punk : la sérendipité !
La trace énigmatique et millénaire gifle l’immédiateté de nos instincts d’occidentaux.
La traversée musclée des charmes cosmiques Balinais griffe nos corps gauches et raides de français de France.
Nos yeux fatigués, le sont aussi de ne plus avoir le choix : nous sommes ici pour travailler, pour nommer, pour percevoir : Shakespeare versus Indonésie.
Quand l’ordre des choses te met la tête à l’envers, faut laisser faire.
C’est la soif de "comprendre avec la tête" qui use.
Ces yeux qui cherchent, ces artistes qui attendent, n’ont rien à perdre. Heureusement.
Ils cherchent ce qu’il faut attendre et attendent de savoir quoi chercher.
Leur corps, encore eux, douillent dés 8h du matin pris en sandwich : si ne ce n’est moi, c’est Nyoman Setiawan le maitre de Topeng pajegan (danse/jeu masqué sacré). A deux nous les observons, nous les astiquons. Je les vois jouer sans savoir qu’ils jouent, trop occupés à apprendre les chaines de gestes symboliques qui s’additionnent par dizaines dans leur esprits qui disjonctent. Leurs corps de Calibans tentent du Prospero aux entournures. Trip théâtral matinal.

L’après midi, tout est là devant eux, simple mais complexe : du rien et du plein.
L’architecture est un temple au milieu des rizières, les anciens apportent les offrandes, le canard va y passer et les bouts de gras des festivités oubliés ça et là nous font hésiter avant de poser nos arrières trains empaquetés d’un sarong coloré à 70000 roupia.
Quand les visages buriné des paysannes souriantes aux pieds éclatés d’ongles noirs ont allumé les encens dans une ronde bavarde-comique, entre le prête qui ne nous regarde pas, qui ne regarde personne... mais qui semble tout voir. C’est son métier.
Ce mage à la tunique blanc sale agite sa clochette et parle en tailleur avec les esprits, jette de l’eau de ses doigts bruns de pianiste, dit quelques mantras qui servent de repères pour coller le riz sur nos fronts et boire l’eau sacrée qui nous inquiète de son potentiel laminoir de nos intestins...
Nous ne sommes plus des spectateurs ?
Le silence est d’or.
C’est une cérémonie dédiée aux rizières.