33 - Port

Avec une heure trente de bus je commençais à douter...
Mais non, les immenses becs des goélettes Makassar sont bien là.
Escouades d’espadons crèvent-ciel.
Spectacle.
Au milieu des coques, les liserets en contraste font lisière entre tirants. D’eau et d’air.
Des sacs de je ne sais pas quoi passent d’épaules en épaules, et le port semble un peu oublié.
Quelques camions pachydermiques s’enfoncent dans le gris des docks.
Je marche sous la pluie à grosses gouttes, quand un homme m’interpelle.
Debout tous les deux sous un nez-bec qui fait parapluie géant.
Promenade dans sa barque exténuée entre les monstres de bois qui flottent encore, malgré la rouille et la misère ?
Pas le moment, je suis pas éclaireur pour Thalassa.

Pensées pour le quai Malbert, que l’on devrait rebaptiser Quai Jaouen, où quelques carcasses trainent toujours un peu, non loin du Bel Espoir ou de la Recouvrance...

En perdition, la vielle ville (Kota Tua) baigne dans sa saumure chocolat.
Comment serait la vie si un con n’avait pas inventé le plastique.
Ce plastique qui a totalement colonisé la terre et l’eau.
Pas un centimètre sans un bout de tong, de sachet, de gobelet...
Multicolore dégoutant.
Et hypocrite.

De temps à autre des entrepôts magnifiques, restachou de la Compagnie des Indes, jettent dans ma cervelle des images révolues d’un monde sans plastique.
Un monde d’esclaves et de magnats.
Cartes postales colorisées de colonisés.
A chaque époque ses plaies, certes.
Le capitalisme ça (se) paye à long terme...