24 - Papy est mort

Il m’accueille dans sa maison oubliée entre deux rizières et quelques palmiers.
Des visages trainent, là aussi, dans tous les coins.
Faces de bois en attente.
Pak Wasano est facteur de masques pour les troupes de wayang orang de la région.
Ici, c’est Java : pas les même outils. Plus gros, plus rustiques, plus lourds.
J’ai un siège pour m’assoir : demi rondin poli, dix centimètres de haut. Les culs par millier ont donnés la brillance.
Formes plus simples qu’à Bali. Le nez caractéristique de Java.
Principalement des masques pleins, on parle peu avec les masques ici.
Pas d’élastique à l’arrière. Une lamelle de cuir clouée sous la bouche qu’il faut serrer des dents.
Si passe le renard, le corbeau, son masque lâchera ?
Wasano à apprit de son grand père.
Il lui a laissé quelques "Master peaces" dont je constate rapidement le fini impeccable, l’élan des lignes, la rigueur de l’ensemble. Equilibre.
Pas encore peints, ces masques ne le seront certainement jamais : papy est mort.
Une photo sépia de l’ancien, trône, sur le mur, au dessus de ma blanche tête d’apprenti..
Ascétique charisme d’une vie dédiée aux visages.
Président du pays des masques ?

Les étapes, je commence à les connaitre.
Mes gestes se précisent, me regardant mon professeur me demande si j’ai déjà sculpté. Bon signe.
Au fil du bois je vais mieux.
Je suis rapidement laissé, en confiance, à moi même.
Ce qui évite la phase ingrate de surveillance appuyée du touriste naïf qui risquerait à chaque instant la blessure fatale... Je monte en grade.

Pas d’enfants ici.
Une femme. Vielle. La mère.
Elle balaye beaucoup. Courbée, mâchonnant un machin marron.

Pas d’excitations.
Travail sérieux.
Silences tristes.

Quelqu’un manque...