Dans la cour de la maison familiale.
Ma demande de démonstration sera immédiatement satisfaite.
C’est le fils de pak Juala, Kadek.
Il a deux petites filles, Kadek : Bintang (l’étoile) et Gita (l’hymne).
Trente sept ans.
Lui, il peint les masques que sculpte son père.
Il sait faire les couleurs à l’ancienne, détrônées par l’acrylique.
Son coup de pinceau est franc, même dans les détails : micro peintre.
Les secrets de la profondeur du rouge, les tactiques de lisières mat-brillant-satiné, la feuille d’or qui vient de Chine, le séchage du vernis.
Je ne le vois que rarement travailler, mais je vois les masques, qui pendent au dessus de ma tête, gagner en couleur, en lumière et en netteté, un peu plus chaque jour.
Des dizaines d’heures pour sa facture.
Ce Barong est terminé et sera livré tout à l’heure à une troupe de Denpasar.
C’est un masque de collection.
Le danseur qui le portera en cérémonie vient l’ausculter tous les jours, de longues minutes.
Pour lui ce n’est plus un masque. Faut le comprendre ça.
C’est ce qui l’enverra peut-être dans les territoires effrayants de la transe.
Ce n’est pas un objet, pas un personnage, pas un autre.
Un trou.
Un sexe ?
Je regarde et regarde encore ses déplacements.
Peut-être dangereux le machin... alors Kadek esquive, esquisse en un simulacre généreux.
Pour que je perçoive. Un peu.
Je cherche à saisir ce que j’ai vu ailleurs en plus large, en plus net, en travaillé... en cérémonie.
Je tente de lier les plans qui font les fondamentaux.
C’est ce petit rien du talon qui remonte, du pied qui se plie, de l’appui retrouvé, et bien sur, de l’arrêt.
Les tac-tac du bois, le regard de la bête, la conviction de l’actant.
Tempo et partition.
La pose de pied et la clochette à Tati (Jacques).
C’est cela que je comprends : c’est à l’arrêt qu’il va, non au mouvement.
Il tient la distance, il carbure à l’arrêt.
Merci Kadek.
Et merci à Quiksilver pour la banane.