16 - Casino

Le coq pisse.
Cet homme me montre où se lie la lame à la patte.
Il veut m’impressionner.
Il est chargé, dans son angle de béton, de réceptionner les perdants.
Deux coqs dansent la mort toutes les dix minutes environ.
Le défilé de bêtes tailladées, plantées, tremblantes, l’oeil tourné, n’en finit pas.
Sur un bout de bois, dextérité et doigté à la machette, emportent rapidement l’animal.
A l’ancienne.
Coupe les pattes, enlève le fil à la patte, achève, déplume.
Funérailles en forme de plumeaux bien garnis.

Dans mon dos, la horde de mâles, roupies en main, qui fait arène sur des chaises en plastique, est peut-être ce qui inquiète le plus.
Les sons tribaux pour faire monter les enchères, les cris, les râles, les petites phrases lancées au milieu de rien, invectives et crachats pendant les combats, les rires... en disent beaucoup.

Il leur serait si facile de faire demi-tour, patte à lame dans l’assemblée, en saigner deux trois au passage, avant de voler mal vers d’autres paysages...
Mais non, les coqs n’ont qu’une idée en tête : en finir avec le même qui leur fait face.
Pas besoin de barrières, le coq, lui, ne se défile pas.
Il sait, peut-être, ce qui l’attend de l’autre côté, alors il reste.

C’est le coin de la mort, le coin du jeu.
Celui du sang et de l’argent.
Le coin des hommes.

Faut bien crever,
au casino Balinais...