48 - Je pleure du désir de rêver encore.

La figure de Caliban.
Des dizaines de fois nous avons regardé un paysan Balinais portant sur sa tête le fagot ou le tas d’herbes, le seau, le tronc voire le tuyau... Cet homme ou cette femme pieds nus-peau tannée ne nous regarde pas.
Il/elle avance dans son paysage ancestral et définitif.
Chaque esprit est à sa place et nous ne voyons rien. Existons nous ?
Ou plutôt : ce que nous voyons nous laisse là, sans réponse aux questions que nous pourrions nous poser. Nous comprendrons plus tard.
C’est Caliban.
Serpette à la main, muscles saillants dans la chaleur, nos accessoires (moto, montres, téléphones, ordinateurs, bijoux, lunettes, crèmes, livres...) n’ont aucune valeur.
La nature est à lui, il est la nature. Le temps idem.
Il nous attend. Il est moderne.
Et il est sale.
Alors, naïfs mais obstinés, nous crayonnons des images et grossissons les premières scènes. Nous comprendrons après.

C’est le poète des injures !

"N’aie pas peur, l’île est pleine de bruits,
De sons, de doux airs, qui donnent du plaisir et ne font pas de mal. Quelquefois mille instruments vibrants
Bourdonnent à mes oreilles ; et quelquefois des voix
Qui, si je me réveille après un long sommeil,
Me font à nouveau dormir, et alors dans mes rêves
Je crois voir les nuages s’ouvrir et dévoiler des richesses
Prêtes à tomber sur moi, si bien qu’en m’éveillant
Je pleure du désir de rêver encore"

Caliban in La Tempête. Shakespeare. Trad. JM Desprats.